A Cannes, Papy Jardin fait des merveilles
Rapprocher l’enfant de la Nature, tel est l’un des cinq axes du projet Génération Durable déployés dans les crèches people&baby : une démarche que notre crèche cannoise fait vivre pleinement depuis son ouverture grâce à Alain Heldre, alias Papy Jardin, qui vient tous les jours s’occuper des bacs potagers, du poulailler et des composteurs pour le plus grand plaisir des enfants. Interview d’Audrey Germain, directrice de la crèche, par Julie Boucher, journaliste pour l’émission Graine d’Avenir diffusée sur Radio District.
Pourquoi avez-vous eu envie de faire entrer plus de nature à la crèche ?
Audrey Germain : Sur le réseau people&baby, on a pour objectif cette année, et depuis quelques années, de travailler l’éco-citoyenneté, tout ce qui est « Génération Durable » donc faire entrer la nature au sein de la crèche était notre objectif.
De quelle façon ? Dans quel domaine ?
A.G : Il y a d’abord tout ce qui est matériaux de construction au sein de la crèche : les peintures, les jeux et les jouets qu’on choisit en priorité en bois. Et puis, ça va être aussi tout ce qui est alimentation : on est labélisé bio, c’est-à-dire qu’on donne aux enfants des fruits et des légumes bio et des viandes labélisées. On a aussi la chance d’avoir un jardin dans lequel on a un potager, un poulailler et des composteurs pour éviter d’utiliser des engrais.
Quelles ont été les différentes étapes de la transformation du jardin ? Est-ce vous qui avez eu l’idée ?
A.G. : C’est l’équipe qui a eu cette idée. On a commencé par un potager, puis qui dit potager dit engrais. Il était hors de question d’utiliser des pesticides donc on a créé un compost, un lombricomposteur [...]. Ensuite, on s’est demandé quoi faire des déchets et on a pensé : « Quoi de mieux qu’une poule ? » et l’idée du poulailler est arrivée à ce moment-là.
La rencontre avec Alain Heldre a-t-elle était décisive ?
A.G. : Bien sûr ! Alain Heldre, c’est notre Papy Jardin, comme on l’appelle ici. C’est lui qui nous a aidés à porter ce projet, c’est lui qui avait les connaissances adéquates, les nôtres étant assez limitées. Tous les jours, il vient s’occuper du jardin avec les enfants, avec les parents qui le souhaitent et puis avec les professionnels de la crèche.
Comment s’est passée votre rencontre ?
A.G. : Alain, c’est le voisin de la crèche. Un jour, il s’est dit : « Je vais aller faire un petit coucou. J’ai vu qu’ils avaient un lopin de terre, je vais voir s’ils ont un potager, parce que j’ai envie de mettre ça en place ». Et de cette rencontre est né quelque chose de fort, parce que ça fait maintenant 4 ans et demi qu’il est là tous les jours avec nous et les enfants l’appellent « Papy Jardin ». C’est lui qui vient aussi avec des idées : il veut par exemple faire venir des canards à la crèche. On est toujours à la recherche de nouveautés pour les enfants, pour les parents, pour améliorer cette « Génération Durable ». On est aussi en train de réfléchir à la mise en place d’une ruche, parce que qui dit ruche dit pollinisation pour le potager et le verger [...].
Est-ce vraiment intéressant pour des enfants de moins de 3 ans ? Est-ce qu’ils voient et comprennent tout ça ? Qu’est-ce qu’ils en retiennent ?
A.G. : Alors ils en retiennent plein de choses et c’est vraiment étonnant [...] Les enfants savent que tous les jours, il faut aller donner à manger aux poules, donc il y a toute cette approche de prendre soin de l’autre, de l’animal et ça, c’est déjà très fort. Et puis après, il y a tout qui touche au potager : on arrive à faire manger aux enfants des radis, et ça, ça n’a pas de prix parce que quand vous leur ramenez comme ça dans l’assiette la plupart du temps, ils ne les mangent pas et quand ils vont les chercher eux-mêmes dans le potager, ils les mangent. Et puis, en allant chercher les œufs tous les matins, ils comprennent aussi que l’œuf ne vient pas du supermarché.
Est-ce qu'on voit des enfants évoluer au contact des animaux ? Est-ce que certains avaient peur et ne redoutent plus les animaux aujourd’hui ?
A.G. : Oui, ça arrive. Au début, les poules, c’est vrai que ça fait peur. Certaines sont pratiquement aussi grandes qu’eux donc il peut y avoir une petite appréhension. Après, les poules sont nées à la crèche (on avait mis des œufs dans une couveuse) donc elles ont l’habitude d’avoir des enfants autour d’elles, du bruit, de l’agitation. Elles n’ont pas peur et se laissent attrapées et caressées. Et puis les enfants qui avaient le plus peur, tout doucement, arrivent à rentrer dans le poulailler, à leur donner à manger… [...] C’est déjà une grande victoire !
Quels retours avez-vous eu des parents ?
A.G. : Au début, certains étaient assez sceptiques. Ils se demandaient comment on allait faire, ils pensaient que ce n’était pas propre… A Cannes, on vit quand même dans un milieu assez citadin. Et en fin de compte, on a que des excellents retours puisque les enfants en parlent beaucoup. Souvent, ils rentrent le soir avec les œufs qu’ils sont allés chercher dans le poulailler. Ils sont super fiers donc il faut que le papa ou la maman leur fasse un œuf à la coque. Puis les parents qui le veulent peuvent venir passer du temps dans le potager et le poulailler avec nous. On fait d’ailleurs des pique-niques au sein de ce potager, et du coup, ça permet aussi d’ouvrir la crèche aux parents et ça, c’est toujours un plus pour les équipes, pour les enfants et pour les parents.
Ce projet a-t-il crée un esprit particulier au sein des équipes ?
A.G. : Ça crée un esprit d’équipe et un esprit d’appartenance. Je pense que l’équipe est très fière de ce projet parce qu’il fonctionne. Elles ont d’excellents retours de la part des parents, des partenaires... Et puis, c’est un projet qui dure : ça fait 4 ans et tous les ans, on essaye de trouver quelque chose en plus pour l’améliorer. Du coup, les équipes sont extrêmement fières, les enfants adhèrent au projet à fond, donc elles sont très contentes de venir tous les matins.
Vous êtes directrice de cette crèche depuis son ouverture. Est-ce que vous pensiez il y a cinq ans en arriver là aujourd’hui ?
A.G. : Absolument pas ! Je n’en avais aucune idée ! Quand j’ai commencé, je me suis demandais si ce projet allait être possible vis-à-vis des normes, de l’hygiène, des équipes… Ça demande énormément de travail de la part des équipes, car il faut y aller tous les jours, il faut en prendre soin le week-end, il faut trouver quelqu’un qui vienne donner à manger aux poules pendant les vacances scolaires aussi. Notre esprit d’équipe a fait que cela s’est très bien créé. Puis, on a été soutenu par notre groupe people&baby et du coup, ça nous a donné envie d’aller encore plus loin et peut-être que dans cinq ans, on aura créé quelque chose d’extraordinaire.
Pensez-vous que ce que vous avez mis en place dans votre crèche peut être reproductible ailleurs ?
A.G. : Absolument, car il ne faut pas grand-chose : il suffit d’avoir l’envie, la motivation et une équipe qui suit derrière. Souvent, on me dit qu’il n’y a pas de place, pas de jardin, etc. Tout le monde ne va pas avoir un poulailler, c’est sûr, parce qu’il faut de l’espace, mais un compost et un lombricomposteur, ça peut se mettre dans une pièce. Il y a des petites choses qui sont faciles à mettre en place. Pour le label Crèche Bio, il suffit de trouver un fournisseur local qui fournisse des fruits et légumes.
Cette alimentation bio engendre-t-elle des coûts supplémentaires ?
A.G. : C’est souvent la question qu’on me pose : « Combien ça coûte ? ». Quand on fait le calcul, ça coûte moins cher que si vous achetez des produits déjà finis qu’on a plus qu’à réchauffer parce qu’on est sur du local. Niveau tarif, on est donc moins cher, et niveau qualité, ça n’a pas de prix, car on sait que les enfants de moins de 3 ans développent leur goût à ce moment-là. Leur proposer un fromage ou un légume qui n’a pas de goût, c’est dommage... Même si ça coûtait un peu plus cher, l’esprit de cette crèche et du groupe people&baby fait qu’on a envie d’y mettre les moyens, mais ça ne coûte vraiment pas plus cher [...].
Alors finalement, vous ne vous voyez plus ailleurs ou dans un autre style de crèche ?
A.G. : Ah non, je suis très bien là où je suis ! Je suis très bien dans cette société, parce qu’elle fait vivre les valeurs qui me sont chères : la « Génération Durable », l’écologie… et c’est tout petit qu’on apprend ça aux enfants. Et puis, c’est ces enfants-là qui l’apprendrons aussi à leurs parents qui n’ont pas eu la chance de vivre cela tout petit.